Prestations
Usure et corrosion: tables de référence pour la détermination de trouvailles monétaires
Version internet du supplément bulletin IFS ITMS IRMS 2, 1995
- Préface et introduction
- Usure des monnaies antiques de la République et de l’Empire
- Usure des monnaies médiévales et modernes
- Particularités techniques des monnaies antiques
- Particularités techniques des monnaies médievales et modernes
- Corrosion
Préface
Décrire l’usure et la corrosion des trouvailles monétaires revêt une signification de premier ordre. Une saisie homogène de ces deux phénomènes par trop souvent confondus ou amalgamés peut contribuer à une meilleure connaissance de l’usage, de la circulation des monnaies et de certains aspects de l’histoire monétaire elle-même.
Saisis dans une banque de données, les degrés d’usure et de corrosion des trouvailles monétaires sont des critères sélectifs très utiles lors de recherches spécifiques. D’une masse importante de matériel dispersée dans divers musées et dépôts, il est possible de dégager l’usure propre à certains groupes monétaires. De même, une étude métrologique peut, selon ses objectifs, écarter a priori des monnaies fortement usées ou corrodées. Par ailleurs, il est particulièrement intéressant de pouvoir comparer les degrés d’usure des monnaies issues de contextes stratigraphiques.
Le schéma proposé ici comprend cinq degrés qui servent à définir et décrire l’usure et la corrosion. Il fut développé en 1988 par des membres du Groupe suisse pour l’étude des trouvailles monétaires (GSETM). Le 10 novembre de l’année suivante à Bâle, ce Groupe tint sur ce thème un colloque dont le discours se limita aux monnaies antiques. Déjà le désir existait d’établir non seulement des descriptions, mais aussi des tables de pièces représentatives de toutes les époques. Au cours des quatre années d’activité de l’Inventaire des trouvailles monétaires suisses (ITMS), ce désir s’est fait toujours plus pressant, pour finalement constituer un réel besoin.
Une détermination objective de l’usure et de la corrosion sur la base de leurs manifestations optiques n’est certainement pas possible, car trop de facteurs peuvent influencer l’appréciation de ces phénomènes. Notre objectif consiste plutôt à mettre à disposition un instrument pratique de référence. Les tables et descriptions succinctes proposées doivent en effet permettre d’éviter de trop grandes variations dans l’attribution des degrés d’usure et de corrosion: celui qui étudie sporadiquement telle ou telle catégorie de monnaies trouvera ici une orientation précieuse et l’utilisateur professionnel une homogénéité indispensable à ses études. L’ITMS espère non seulement faciliter les échanges scientifiques, mais aussi stimuler la recherche dans de nouvelles voies.
Ce projet n’aurait pu être réalisé sans les nombreuses institutions et personnes qui nous ont aidés de leurs conseils pertinents et qui nous ont généreusement donné accès à leur matériel photographique. Que toutes soient ici remerciées. En particulier F. E. Koenig (Berne), M. Peter (Augst) et B. Zäch (Winterthour) pour la relecture du manuscrit; M. Peter pour les exemples de monnaies trajanes usées et les particularités techniques choisies parmi le matériel de Augst; H.-U. Geiger (Zurich) pour le choix des pièces médiévales et les exemples extraits de sa riche collection photographique de monnaies bernoises; F. Delamare (Sophia Antipolis) pour sa relecture perspicace et ses suggestions.
Introduction
L’usure et la corrosion d’une pièce de métal résultent de processus physiques et chimiques complexes dont la compréhension nécessite une approche très nuancée. Cette brochure n’a certes pas cette prétention, mais se propose bien plutôt de décrire et d’illustrer les deux phénomènes tels que l’oeil nu les perçoit.
Usure
L’élévation actuelle du relief de la monnaie sert de point de référence pour la description de l’usure. Le degré se détermine grâce à un petit effort d’imagination qui consiste à se représenter le relief de la monnaie fraîchement frappée comme le résultat de la superposition de cinq couches distinctes de métal. Le pas suivant est d’apprécier dans quelle mesure ces couches se sont altérées, respectivement ont disparu, par frottements répétés (mécanisme d’abrasion) alors que la pièce circulait.
L’expérience de l’étude des trouvailles monétaires montre qu’il n’est pas réaliste de vouloir distinguer trop de degrés d’usure. C’est la raison pour laquelle nous nous en tenons à cinq degrés d’usure, et, au total, à six classes:
- U 0 = indéterminé
- U 1 = non à peu usé
- U 2 = légèrement usé
- U 3 = usé
- U 4 = fortement usé
- U 5 = fruste
Du point de vue physique, cette perte de matière, qui se traduit par un affaiblissement du poids, est indépendante de l’épaisseur du relief original. Les degrés d’usure de l’avers et du revers d’une même pièce sont généralement identiques. En pratique, l’usure se concentre sur les parties saillantes du relief. Ainsi, les pièces de la Rome impériale affichent parfois un revers plan, alors que la tête à l’avers demeure identifiable. Dans de tels cas, on pourra qualifier les deux faces diversement, sans toutefois perdre de vue que la pièce de monnaie est un seul et même objet ayant circulé et donc subi les actions de l’usure.
Pour la plupart des monnaies dont le degré de corrosion est égal ou supérieur à 3 (C 3–5) ou présentant certains défauts de fabrication, voire des particularités techniques, le degré d’usure est impossible à établir. Par conséquent, on les classera de préférence dans la catégorie «indéterminé» (U 0).
Les particularités techniques des processus de production médiévaux déterminent fortement l’aspect des monnaies de cette époque. N’en ayant trouvé aucune exempte de défaut technique, notre choix pour ces tables s’est avéré difficile.
Ces aspects ont été traités récemment de manière détaillée et exemplaire, pour l’usure, par F. DELAMARE, Le frai et ses lois (Cahiers Ernest Babelon 5), Paris 1995. Pour la corrosion, cf. W. P. BAUER, Grundzüge der Metallkorrosion, in: P. HEINRICH (Éd.), Metallrestaurierung, Munich 1994, p. 40–69; R. BERTHOLON – C. RELIER, Les métaux archéologiques, in: M. Cl. BERDUCOU (Éd.), La conservation en archéologie, Paris – Milan – Barcelone – Mexico 1990, p. 163–221 ; J.-M. CRONYN, The Elements of Archaeological Conservation, Londres 1990, p. 160–237.
Les planches présentent des séries de monnaies d’époques, de métaux et de techniques de frappe différents. Elles prennent en compte cinq degrés pour chaque catégorie de matériel et s’abstiennent de les combiner entre eux. Les degrés d’usure ne sont évidemment valables que pour des ensembles comparables. La relativité de ces données est donc à prendre en considération lors de l’exploitation de ces dernières. Si une certaine catégorie de matériel ne devait pas trouver ici une série de références adéquates, il conviendra d’en établir une en se basant sur la description qui accompagne chaque degré.
Corrosion
Pour déterminer le degré de corrosion d’une pièce, il suffit de s’imaginer celle-ci «intacte» et de déduire dans quelle mesure la corrosion en a altéré la surface et la lisibilité.
Pour les raisons déjà énoncées, nous ne distinguons que cinq degrés de corrosion, et, en tout, six classes:
- C 0 = indéterminé
- C 1 = non à peu corrodé
- C 2 = légèrement corrodé
- C 3 = corrodé
- C 4 = fortement corrodé
- C 5 = entièrement corrodé
Tous les phénomènes modifiant visuellement le relief de la monnaie – trous ou incrustations – sont à considérer ici comme des manifestations de la corrosion. La «bonne» patine, qui est également une forme (stable) de corrosion, n’entre pas dans cette catégorie et ne saurait être prise en considération lors de l’attribution d’un degré de corrosion.
L’établissement du degré de corrosion s’effectue de préférence pour une pièce nettoyée. Bien sûr, les pièces ayant fait l’objet d’un nettoyage partiel et qui présentent encore de minces couches corrodées sont justiciables de la même échelle, moyennant une description visuelle de cette corrosion.